LeLogo pour publications Trompettes Marines 
 
Site littéraire

Hector Berlioz

TMRetour à l'Accueil

 La Trompette marine - Le Saxophone - Les Savants en instrumentation

Extrait des 'Grotesques de la musique'

Trompette marineA chacune des représentions du Bourgeois gentilhomme,  au Théâtre Français, le parterre commet une bévue dont les musiciens, s’il s’en trouve dans la salle ne peuvent manquer de rire de tout leur cœur. A la première scène du deuxième acte, quand le maître de musique dit : « Il vous faudra trois voix, un dessus, une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d’une basse de viole, d’un théorbe, et d’un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles. » Monsieur Jourdain répond ; « Il y faudra mettre aussi une trompette marine. La trompette marine est un instrument qui me plait, et qui es harmonieux. » A ces mots de trompette marine, l’hilarité du parterre ne manque jamais de faire explosion. Il croit, ce brave parterre, que la trompette marine, instrument fort doux, formé d’une seule corde montée sur un chevalet et qu’on joue comme le violoncelle, est un horrible instrument à vent, une conque de triton capable d’effaroucher les ânes. Il suppose que Molière a fait dire à Monsieur Jourdain une colossale bêtise, quand il lui a prêté seulement une naïveté. Ce n’est pas plus absurde que si un monsieur Jourdain de nos jours disait en semblable circonstance : « Il y faudra mettre aussi une guitare. La guitare est un instrument qui me plait et qui est harmonieux. »
 Un Jupiter de la critique, attaquant dernièrement avec violence les admirables instruments de Sax, rangeait parmi les plus formidables, les plus propres à déchirer l’oreille, le Saxophone, instrument à anche d’un timbre voilé, délicieux, qu’il confondait avec les saxhorns, instruments de cuivre à embouchure.
 Cet illustre et consciencieux aristarque a sans doute étudié l’instrumentation au parterre du Théâtre-Français.
 « Ah ! ah ! ah ! la trompette marine ! Bravo, parterre ! L’horrible Saxophone ! Bravo, Jupiter !... »

Hector Berlioz